Recruter des clones rassure. Recruter différemment assure le succès !
80% des talents s’expriment en dehors des CVs et des processus. Dès lors, comment identifier et valoriser les compétences et les valeurs de chacun·e ? Comment laisser la possibilité aux différences de se manifester quand le CV et la lettre de motivation restent les principaux outils du recrutement, que les annonces d’emplois sont souvent rigides et que nous cherchons des moutons à 5 pattes ? Retour sur le dernier évènement breton du Lab RH.
Recruter différemment, c’est aussi penser différemment
Pour réussir à recruter des profils diversifiés, il faut tout d’abord changer de prisme et, notamment, oublier tous ses préjugés, ses stéréotypes. Pourquoi un·e développeur·se web devrait-il·elle être introverti·e ? En ayant des idées préconçues sur les traits de personnalité de tel ou tel profil, nous bridons nous-même notre recherche. Et d’un trait de personnalité observé, nos biais inconscients nous amènent à en déduire une capacité (ou non) à mener à bien telle ou telle mission.
Ouvrir son cahier des charges à des profils différents de ce qu’on a toujours connu, ce n’est pas pour autant vouloir recevoir 500 candidatures pour un poste. Cela réduirait le·la RH ou le·la recruteur·se à un rôle de tri de CV et l’empêcherait de mener son évaluation sur des items qui sortent de son cadre habituel.
L’ouverture du cahier des charges doit donc se faire de manière fine, de façon à ne pas être noyé·e sous les candidatures.
L’offre d’emploi est l’un des vecteurs par lesquels vous pouvez communiquer afin de susciter les candidatures les plus adaptées à votre poste. Si, dans celle-ci, vous parvenez à vous éloigner d’une description métier trop large, que vous faites ressortir les compétences réellement attendues et que la culture et les valeurs de l’entreprise sont clairement présentées, vous devriez recevoir des candidatures davantage en ligne avec votre projet.
Comment recruter différemment en conservant le même outil : le CV ?
Le CV, dans sa déclinaison actuelle qui consiste, la plupart du temps, en un déroulé chronologique du parcours du candidat, laisse peu de place à la diversité des profils. Il est difficile d’y détecter des compétences, des spécificités, des soft skills, voire des projets. Il laisse notamment peu de place à la reconversion et rend difficile l’explication de « trous » dans un parcours.
Bien sûr, le rôle du·de la professionnel·le du recrutement, qu’il·elle exerce en entreprise ou en cabinet, prend ici toute sa valeur. C’est à cet·te expert·e que revient la responsabilité de repérer les transférabilités, d’identifier les compétences du candidat et donc de lire entre les lignes. Dans ce travail, il·elle doit aussi savoir s’éloigner des normes et des cases à cocher pour objectiver son analyse et mettre en place des actions et/ou des outils pour évaluer les compétences.
Mais il est vrai que le CV montre davantage ce que le·la candidat·e sait faire que ce qu’il·elle peut faire ou ce qu’il·elle veut faire. Le recours à d’autres outils (le CV vidéo) ou complémentaires (la recommandation/cooptation) peut s’avérer utile pour ouvrir son poste aux candidat·e·s qui « ne cochent pas toutes les cases ».
Attention aux idées reçues sur les soft skills
Une fois les candidatures reçues, il convient de dédier une attention particulière à l’évaluation des aptitudes comportementales des candidat·e·s et de ne pas se contenter d’évaluer leur savoir-faire technique, si l’on veut s’accorder une chance de gagner en richesse car en diversité.
Pour bien évaluer les soft skills d’un·e candidat·e, il faut d’abord comprendre ce qu’elles sont. Nous les connaissons sous de multiples appellations : compétences émotionnelles, compétences relationnelles, compétences douces, non académiques, compétences comportementales, compétences transversales ou encore compétences humaines. Mais que recouvrent-elles vraiment ?
Coup d’envoi pour le premier petit déjeuner breton du @LeLabRH !
Cécile Jarleton débute avec un focus sur les soft skills. @fabriquerennes @digitaleo pic.twitter.com/fa3uzZtHX6— Pauline Fouqué (@PaulineFouque) 9 novembre 2018
Comme l’a rappelé Cécile Jarleton , doctorante en psychologie du travail, lors du petit-déjeuner du Lab RH qui s’est tenu à Rennes le 12 novembre dernier :
Les soft skills sont des compétences c’est-à-dire, la combinaison et la mobilisation de ressources dans une situation professionnelle qui permettent de produire une performance.
Cette définition permet de cadrer l’évaluation et la sélection des candidat·e·s en ne se concentrant que sur des critères en lien avec une tâche donnée.
Et si une soft skill est bien une compétence, elle est acquise et peut donc être travaillée et développée tout au long de la vie.
Les soft skills ne doivent donc pas être confondues avec les traits de personnalité, qui sont eux révélés par des tests connus comme le MBTI ou le Big 5. Les traits de personnalité ne sont pas liés à la performance. Avoir en entretien, pour un poste de commercial·e, un·e candidat·e chaleureux·se et au contact facile ne signifie pas qu’il·elle aura les compétences pour les missions qui lui seront confiées : aller au-devant du·de la client·e, certes, mais aussi faire preuve d’écoute et de bonnes capacités de négociation, pour en citer quelques-unes. Il faut parfois se méfier d’un « bon feeling », au risque d’en oublier d’évaluer précisément les compétences attendues.
Prenons quelques exemples :
- L’extraversion. C’est un trait de personnalité. Contrairement aux idées reçues (là encore), elle n’est pas un indicateur d’une forte créativité ou d’une capacité à s’exprimer en public. Une personne peut tout à fait être introvertie et développer des compétences dans la prise de parole en public.
- La motivation et l’engagement. Ce sont des états. Ils dépendent d’une situation donnée, d’un contexte. Ils ne sont pas inscrits dans le temps et ne s’apprennent pas. Si vous recrutez un·e candidat·e pour son niveau de motivation à un temps donné, demain, il·elle ne sera peut-être pas motivé·e par certaines tâches ou compte tenu d’un contexte donné. En revanche, vous pouvez chercher à connaitre ses leviers de motivations.
- Se sentir capable d’être performant·e dans une tâche donnée. C’est une soft skill. C’est ce que l’on appelle le sentiment d’auto-efficacité : se sentir capable de persévérer, même s’il y a des obstacles. Cela s’apprend, se travaille en se connaissant mieux, en s’exerçant, en travaillant sa confiance, son estime de soi.
- Savoir gérer son stress. C’est une soft skill, une compétence émotionnelle. Cela revient au fait de sentir, identifier et gérer une émotion, d’avoir les ressources en soi pour cela et de savoir les mobiliser à bon escient.
- Comprendre ce que l’on attend de nous. C’est une soft skill. Il ne suffit pas de faire les tâches et les missions assignées pour être performant·e. Il faut comprendre les codes de l’entreprise, du marché de l’emploi, de la culture du pays, prendre conscience de ces choses implicites et informelles. Cela s’acquiert. Par exemple, un·e salarié·e qui arrive dans votre entreprise peut mettre un certain temps à cerner votre profil managérial et la relation de travail performante peut mettre un moment à s’instaurer. Le·la nouveau·elle recruté·e devra mobiliser cette compétence pour bien comprendre ce que vous attendez de lui·d’elle.
Définir les soft skills que vous recherchez chez un·e candidat·e, bien en amont du processus, est essentiel pour que le recrutement soit un succès. Cela permet au·à la candidat·e de savoir sur quoi il·elle va être évalué·e (et donc de savoir s’il·si elle est ou non pertinent·e sur ce poste) et cela vous permet de bien cibler ce que vous allez rechercher chez un·e candidat·e.
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Comment évaluer les soft skills ?
Si c’est souvent le manque de temps qui empêche le·la RH ou le·la recruteur·se de bien évaluer ces soft skills, l’une des solutions est peut-être d’accepter de recevoir moins de candidatures et donc de privilégier la qualité à la quantité.
Le recours à des outils de cooptation et de recommandation peut, par exemple, générer un nombre de candidatures plus réduit mais des candidatures mieux qualifiées car ce sont les pair·e·s, les ami·e·s, les ancien·ne·s collègues qui recommandent les personnes de leur réseau. La start-up MyJob.Company, qui en a fait son métier grâce à une plateforme digitale dédiée à la cooptation, l’a bien compris. Une personne qui connait le·la candidat·e qu’elle recommande transfère, de fait, sa vision des compétences du dit candidat. Parfois, rien de tel qu’un·e collègue/ami·e pour comprendre qui est la personne et quelles sont ses qualités.
Le CV vidéo, présenté par TalentsTube lors de la table ronde Lab RH, vient compléter la palette des outils disponibles pour recruter différemment. Là où, pour déposer sa candidature pour un poste, quelques clics suffisent souvent, envoyer une candidature vidéo suppose un investissement personnel plus important. Le recruteur recevra donc beaucoup moins de CV, mais ceux-ci auront le mérite de provenir de candidat·e·s qui se seront véritablement projeté·e·s dans le poste.
Pour l’évaluation en elle-même des soft skills des candidat·e·s présélectionné·e·s, libre ensuite au·à la recruteur·se de choisir parmi différentes méthodes : tests auto-déclaratifs, mises en situations ou entretiens. Bien sûr, il est également possible de recouper ces différentes techniques pour évaluer encore plus précisément ces items.
Parmi les tests disponibles, le test de recrutement prédictif SavenSight était présenté lors de cette matinée Lab RH. Intégrée au moment de la candidature, cette évaluation limite le nombre de candidat·e·s qui seront ensuite invité·e·s pour un échange plus approfondi. Il évalue les comportements via un questionnaire qui se penche sur la capacité à réussir dans un poste. Cette évaluation prédictive est basée sur une méthodologie précise : à partir d’un échantillon (validé tous les six) mois de 180 000 personnes qui surperforment dans leur poste, ce test est en mesure d’identifier la capacité d’un·e candidat·e à réussir sur un poste. Il explore sept ressources cognitives nécessaires à :
- comprendre son environnement de travail,
- prendre des décisions dans ce contexte et
- s’y comporter.
A Rennes le public aussi partage ses best practices de recrutement innovant #collaboratif pic.twitter.com/JwYTCbbwF9
— Le Lab RH (@LeLabRH) 9 novembre 2018
Les possibilités de mises en situations sont, quant à elles, sans limites. Pour évaluer l’adaptabilité d’un·e candidat·e, vous pouvez, par exemple, réaliser l’entretien dans un environnement peu « classique » : en marchant à l’extérieur, dans un open space, avec ses futur·e·s collègues, etc. Une simulation de gestion de boite mail et d’urgences peut également s’avérer révélatrice d’une capacité à prioriser.
Enfin, lors de l’entretien, le débrief des observations permet de confronter son regard avec celui du·de la candidat·e, mais également de déceler chez lui·elle son niveau de connaissance de ses propres compétences.
Si toutes ces informations récoltées sur les soft skills aident à recruter des profils différents et plus adaptés au poste, elles sont également précieuses dans l’onboarding et le management du·de la candidat·e recruté·é. Plus le·la manager et le·la RH connaissent un·e collaborateur·rice, plus son intégration et son évolution seront personnalisées et plus il·elle aura de chances de réussir.
[1] Auteure d’une thèse sur le transfert de compétences entre les activités extraprofessionnelles et la sphère professionnelle