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L’Intelligence Émotionnelle au service du Management

Garants de la sécurité physique et psychologique des salariés, les managers composent au quotidien avec les affects de leurs collaborateur·rices, ce qui relève de l’intelligence émotionnelle. Une « compétence » managériale supplémentaire, qui se révèle bien plus complexe, incertaine et chronophage que certaines activités comme par exemple le suivi des objectifs ; bien que ceux-ci soient soumis à des variations du fait d’un environnement professionnel en transformation et incertain.

Cet article a été rédigé par Sophie Peron, psychologue du travail et consultante en évolution professionnelle chez Abaka, cabinet de conseil RH.

L’essentiel d’une organisation réside en son capital humain qu’il faut cultiver et sans lequel l’organisation ne peut pas avancer, se développer et se recomposer au gré des évènements. Mais alors, comment composer avec l’affect de ses équipes ? Comment intégrer la notion d’intelligence émotionnelle dans son management ?

 

intelligence émotionnelle

 

La gestion des affects comme levier de management :

L’intelligence émotionnelle, un concept paradoxal :

Théorisé dès le début des années 90 par les psychologues John Mayer et Peter Salovey, le concept d’intelligence émotionnelle désigne la capacité à comprendre ses propres émotions et celles des autres, afin de les réguler et de tendre à la résolution d’un objectif commun.

Une prise de position intéressante, tant il peut être difficile de concevoir que l’on puisse donner un côté rationnel à des affects, souvent vifs, sans filtre, et en réaction à une situation.

Cette complexité est l’essence même d’une organisation et du rôle du.de.la manager : comment conduire l’entreprise et diriger ses équipes de la manière la plus efficiente possible, tout en intégrant une variable affective ?

Quand « organisation » rime avec « émotions » :

Nous baignons chaque jour dans un système affectif au sein de nos organisations. Nous présentons tous un ensemble de manifestations affectives caractérisées par leur nature agréable, désagréable, vague, définie. Nous éprouvons des sensations physiques (se sentir léger·ère, avoir le souffle coupé, nœud à l’estomac…), qui nous donnent des indications sur nos émotions (joie, surprise, colère, tristesse, peur, dégoût), dans un élan souvent irrépressible, et qui peuvent s’installer en nous au travers de nos sentiments (entrain, emballement, honte, dévalorisation, haine…).

Une organisation est donc constituée d’un ensemble d’individus avec leurs affects et leurs processus émotionnels propres. En avoir pleinement conscience est le prérequis pour pouvoir l’intégrer comme un levier dans la gestion des entreprises.

L’autorégulation… mais pas que !

L’intelligence émotionnelle repose entre autres sur la capacité à s’autoréguler, c’est-à-dire à gérer nos affects face aux situations professionnelles auxquelles nous sommes confrontées.

Au sein d’une organisation de travail, la régulation de cette réalité affective ne peut être exclusivement portée par l’individu, mais également par le système (mode d’organisation et de fonctionnement, culture et pratiques managériales, valeurs) et le collectif (relations interpersonnelles).

Dans ce cadre, la dimension sociale et collective a une importance majeure. Le soutien de la part des supérieur.e.s, mais aussi des collègues, joue un rôle crucial dans le vécu des individus et sur leur capacité à faire face et à se réguler de façon positive.

Et cette dimension sociale et collective est elle-même conditionnée par le système.

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Quelles actions les managers peuvent-ils mener pour développer l’intelligence émotionnelle ?

Prendre le temps suffisant pour accompagner les réactions émotionnelles des salariés, tout en prenant soin de gérer leurs propres émotions, sont des moyens à mobiliser par les managers afin d’améliorer leur pilotage des équipes et des activités.

Plusieurs actions peuvent être menées à différents niveaux.

1- L’identification des processus émotionnels dans ses équipes :

Dans des situations de changement, de difficulté, ou même de réussite, chaque salarié.e ressent des affects différents. Certain.e.s peuvent par exemple avoir un regain de motivation face à une situation compliquée, alors que d’autres peuvent se renfermer et être moins productifs.

L’analyse de la sensibilité de chaque collaborateur.rice au contexte est un point-clé en intelligence émotionnelle. Elle permet au manager de pouvoir anticiper une réaction émotionnelle et de prévoir un accompagnement individualisé.

Notre conseil : les situations de crise ou de changement sont souvent riches en enseignement, et peuvent permettre de mettre en exergue des processus émotionnels. Servez-vous de ces périodes pour analyser les réactions de chacun.e, l’impact sur la productivité, la qualité du travail fourni, et identifier des leviers de motivation. N’hésitez pas à prendre le temps de l’échange avec chaque collaborateur.rice pour confronter vos observations factuelles avec son ressenti.

2- Favoriser l’expression des affects :

L’erreur la plus fréquente chez les managers est de croire que les collaborateur.rice.s viendront d’eux-mêmes exprimer leurs émotions et/ou leurs difficultés. Ce constat est d’autant plus vrai lorsqu’un bon relationnel est créé avec l’équipe.

Raisonner de cette manière comporte pourtant deux risques majeurs : celui de ne jamais avoir de feedback de la part de ses équipes, mais surtout, celui de laisser une frustration ou un mécontentement non exprimé se développer jusqu’à un sentiment de colère (bien plus difficile à gérer par le.la collaborateur.rice et par le.la manager).

Il semble plus pertinent de prendre les devants et de favoriser l’expression des affects au sein des équipes, de montrer que l’on est dans une démarche d’écoute régulière.

En amont, le manager aura tout intérêt à prendre un temps avec lui-même pour identifier ses propres affects et se projeter dans la rencontre avec des intentions positives et constructives.

Notre conseil : n’hésitez pas à créer des points plus réguliers, individuels, mais aussi avec l’ensemble de l’équipe (hors entretien annuel). Certaines émotions sont plus faciles à exprimer en face à face, tandis que certaines, partagées collectivement, donneront un échange plus riche en groupes. Retenez que les affects se créent et se renforcent quotidiennement : n’attendez donc pas le dernier instant. Et n’oubliez pas de prendre la mesure de vos propres affects.

3- Comprendre en toute objectivité :

Si l’expression des affects au sein des équipes est une première base importante, il convient que les managers aient la capacité de montrer qu’ils acceptent et comprennent le vécu de leurs collaborateur·rice·s.

Il est recommandé pour cela de n’apporter aucun jugement sur la problématique exprimée ou sur le.la salarié.e, en évitant toute forme de remise en cause, ni aucune interprétation hâtive qui pourrait laisser à penser que le.la manager ne s’intéresse pas et/ou ne prend pas pleinement conscience de la situation du.de la collaborateur.rice. Cela requiert du self-control, de l’écoute et de l’ouverture, et les techniques de communication principales sont les questions ouvertes et la reformulation.

De façon conjointe, le manager peut s’appuyer sur la méthode d’explicitation des besoins, afin de jouer pleinement son rôle. En effet, nos sensations, émotions, sentiments disent de nos besoins satisfaits ou insatisfaits (autonomie, intégrité, compréhension, relation…). Il est donc important de faciliter l’expression, le repérage de ces besoins, sur lesquels le manager pourra ensuite prendre appui pour (co)construire son approche et ses actions auprès du salarié, et ainsi l’aider à réguler ses émotions.

Notre conseil : en tant que dirigeant.e ou manager, vous aurez certainement la tentation de vouloir chercher une solution rapide. Avant toute proposition, assurez-vous d’avoir montré au salarié.e que vous avez bien compris sa problématique (émotions, besoins) ; sans quoi il.elle pourrait se braquer et ne pas se montrer en accord avec la voie de sortie proposée, aussi pertinente soit-elle.

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4- Aider le.la salarié.e à avancer et à s’autoréguler :

Le rôle du manager est d’accompagner le.la collaborateur.rice vers une meilleure autorégulation de ses émotions.

Pour ce faire, il s’agit de trouver des solutions qui tiendront compte des besoins insatisfaits du salarié, générateurs de ses affects.

En outre, il peut également s’agir de donner des repères, de poser un cadre global et de rappeler certaines règles pour permettre aux individus de comprendre, d’intégrer et d’agir avec les réalités du système.

Dans le cas d’affects négatifs pouvant donner lieu à un conflit, des limites doivent être posées et il est nécessaire d’expliquer quel est l’attendu en matière de comportement.

Dans tous les cas, une recherche de solutions conjointe avec le.la salarié.e est la meilleure façon d’aboutir au résultat souhaité, et d’obtenir une adhésion. Ces solutions seront d’autant plus pertinentes qu’elles tiendront compte à la fois des besoins des personnes, mais aussi des règles et du cadre de l’entreprise.

Notre conseil : gardez en tête qu’une situation de mécontentement ou de conflit ne se réglera pas instantanément. Faites le point à intervalle régulier pour suivre l’évolution du.de la salarié.e et la mise en application des solutions évoquées.

Pour conclure sur l’intelligence émotionnelle…

Dans cet aller et retour à soi et à l’autre, il s’agit bien de se rendre et de rendre les individus « capacitants » grâce à ce qui nous unit et nous lie de façon indéfectible : nos affects.

Le développement de l’intelligence émotionnelle dans une équipe est un travail complexe, de longues haleines, mais créateur d’émotions positives vertueuses aussi bien pour l’organisation que pour les collaborateur.rice.s.

Si les qualités humaines du.de.la manager sont un véritable facteur clé de succès dans la mise en place de ce processus, certains aspects méthodologiques et organisationnels peuvent être plus fastidieux. Auquel cas, l’appel à un tiers qualifié peut faciliter le déploiement auprès des équipes.

Vous souhaitez vous faire accompagner sur l’application de l’intelligence émotionnelle au sein de vos équipes ?

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