« Le télétravail est devenu la norme au sein de mon entreprise » | Charline Bordron, Responsable Ressources Humaines de Zéro Gâchis
Ils sont 45 collaborateur.rice.s et tou.te.s (ou presque) travaillent à distance. L’entreprise Zéro Gâchis, créée à Nantes en 2012 pour réduire le gaspillage alimentaire dans les grandes surfaces, a adopté et généralisé le télétravail à 100% pour ses équipes depuis le déconfinement. Encadré par une charte de télétravail jusqu’à peu, un accord télétravail a été soumis puis adopté le 22 septembre 2020 pour harmoniser les pratiques et asseoir ce mode de travail dans la durée.
Pour Charline Bordron, Responsable ressources humaines de Zéro Gâchis, l’essentiel est d’adapter sa politique de télétravail au contexte de son entreprise et à ses valeurs, en « « transpirant » l’accord et non pas en mettant un accord pour mettre un accord ».
Elle nous accorde ce mois-ci une interview pour nous donner ses conseils et expliquer comment mettre en place le télétravail dans son entreprise d’une façon optimale et durable. Elle a aussi accepté de mettre à disposition gratuitement son modèle de charte de télétravail, à adapter à votre société avant de l’utiliser.
Une charte de télétravail pour communiquer les règles de bases du travail à distance
Le télétravail a toujours existé chez Zéro Gâchis, depuis sa création en 2012 lorsque l’entreprise était composée des 3 co-fondateurs, jusqu’à aujourd’hui. « Quand je suis arrivée en 2018, c’était déjà dans les pratiques des collaborateurs de travailler à distance, avec des règles souples mais non formalisées » explique Charline Bordron. À l’époque, le télétravail n’était pas conseillé à 100% chez Zéro Gâchis afin de « conserver un lien et une cohésion d’équipe ».
En 2019, pour encadrer cette démarche, Charline Bordron rédige une charte de télétravail afin de formaliser des règles de bases sur le travail à distance : « l’idée était de rappeler ce qu’est le télétravail, son champ d’application et qui étaient les salariés concernés, pour que chacun sache ce que cela implique, tant pour l’entreprise que pour les collaborateurs » exprime-t-elle. Ce document est ensuite retravaillé dans une logique pédagogique pour faciliter la communication et l’application de ces nouvelles règles : « lorsque nous avons mis en place cette charte de télétravail, elle était disponible sur notre intranet, envoyée parmi les supports destinés aux nouveaux collaborateurs et communiquée par mail tous les ans. Pour faciliter l’appropriation de ces nouvelles pratiques, j’ai volontairement mis peu de texte car cela risquait d’ennuyer les équipes et de ne pas être lu ».
C’est suite à la crise sanitaire du coronavirus et au confinement que le projet s’accélère par la force des choses : « nous avons contacté notre avocate en droit social pour nous aider à mettre en place un accord télétravail afin de le généraliser à toute l’entreprise. Celui-ci a été présenté au CSE fin août 2020 et a été validé le 22 septembre 2020″.
Extrait de la charte télétravail rédigée par Charline Bordron, RRH de Zéro Gâchis
Adapter sa charte télétravail à son organisation
Pour la responsable ressources humaines de Zéro Gâchis, adapter sa charte ou son accord télétravail à l’entreprise est essentiel : « ça ne sert à rien de mettre en place un accord télétravail si c’est juste pour l’image que l’on souhaite donner à l’extérieur« , exprime-t-elle, même si elle concède que cela représente un avantage considérable pour sa marque-employeur. Selon elle, le télétravail doit être adapté à sa population d’entreprise mais aussi au contexte et au vécu : « cette décision doit être en accord avec les valeurs de l’entreprise, et c’est encore mieux si elle est portée par la direction. C’est sûr que chez nous, ce fonctionnement nous correspond car nous sommes une start-up en croissance, c’est quelque chose qui « transpire », nous devons être sans cesse adaptable, souple et flexible ».
Assurer un suivi pour améliorer sa politique télétravail
Afin de mettre en place un projet télétravail sur le long terme, cela doit se faire en corrélation avec les attentes et les pratiques des salarié.e.s : « il faut avoir des retours concrets » explique Charline avant de reprendre, « des enquêtes de satisfaction peuvent être faites régulièrement pour prendre tous les commentaires et améliorer sa politique télétravail ».
Ce suivi, assuré par le service RH ou la direction, doit également prendre en compte les risques psycho-sociaux (RPS) que peut induire le télétravail chez certain.e.s collaborateur.rice.s : « la moyenne d’âge chez Zéro Gâchis est de 29 ans, la plupart n’ont pas de vie de famille, habitent dans des appartements petits, parfois sans extérieur. C’est aussi une population qui a tendance à se surinvestir et le télétravail peut venir accentuer ce point ». En effet, à distance, il est difficile pour les responsables RH d’évaluer les risques quant à la fatigue et au stress des salarié.e.s : « je sensibilise régulièrement les managers à ces sujets et je fais de la communication autour des dérives du télétravail : heures supplémentaires et droit à la déconnexion. Aussi, si un collaborateur a besoin de travailler plus tôt ou plus tard pour s’adapter à son organisation personnelle, il peut. Les horaires sont gérés comme il le souhaite, tant que le travail est effectué, et qu’il reste joignable sur l’une des tranches horaires collectives » indique Charline Bordron.
Maintenir le lien avec ses salarié.e.s grâce à des temps d’échanges réguliers
Quand on travaille à distance, le risque pour les managers comme pour les salarié.e.s est de se sentir isolé et éloigné de leurs équipes. Même si Charline Bordron le regrette, depuis que le télétravail est instauré à 100% chez Zéro Gâchis elle observe une perte de lien et de cohésion d’équipe assez forte : « Pour maintenir le lien entre nous, on utilise un outil de tchat qui s’appelle Slack et dans chaque équipe, il y a une réunion par semaine avec l’outil Google Meets. On organise aussi tous les 3 mois un séminaire où nous nous retrouvons tous. Mais il est très difficile d’évaluer l’engagement des salariés quand ils sont à distance ».
La confiance et l’autonomie comme clé de réussite
« Nous n’avons absolument pas mis d’outils de « flicage » en place, et c’est un choix assumé de notre part. Du moment que le travail est fait, il n’y a pas de problème », exprime Charline Bordron avant de reprendre, « il faut être pédagogue car on ne peut pas surveiller tous les collaborateurs à distance, c’est impossible ! Il faut les sensibiliser et les informer dans un objectif de responsabilisation de chacun. D’ailleurs, c’est une qualité que nous recherchons quand on recrute nos futurs collaborateurs : l’autonomie est la clé du télétravail ».
Quant à l’aspect business, le télétravail ne semble pas être un frein à l’organisation du service commercial, même si celui-ci a été durement impacté pendant la période de confinement : « les grandes surfaces étaient surchargées et ne recevaient pas de public extérieur pour respecter les règles sanitaires. Nous avons aussi été confrontés à l’absence de pénurie alimentaire, qui est le cœur de notre métier. S’il n’y a pas de pénurie, alors nos commerciaux ne peuvent pas convenir de rendez-vous », avant de continuer, « pour suivre l’activité commerciale à distance, notre directrice planifie des rendez-vous individuels avec ses équipes sur leur charge de travail et les rendez-vous à venir. Elle utilise aussi notre CRM sur lequel elle a une vision globale de l’activité du pôle ».
« Le télétravail est devenu la norme chez Zéro Gâchis »
Mesurer les impacts du télétravail sur les équipes est difficile. Mais il y a quand même des signes qui ne trompent pas. Quand on demande à Charline Bordron ce qu’elle observe suite à la mise en place du télétravail à 100%, elle répond : « nos salariés en sont très satisfaits, et je pense qu’il y a une reconnaissance des salariés envers l’entreprise, car ce n’est pas tous les employeurs qui autorisent le télétravail à 100%. Comme c’est un mode de collaboration très flexible, nous avons des collaborateurs qui ont effectué un changement de vie radical en déménageant à la campagne pour un épanouissement plus global ».
Chez Zéro-Gâchis, le souhait d’adopter la flexibilité du travail est bien réel. Cependant, chacun.e est libre de choisir de télétravailler ou non. À ce jour, 80% des collaborateur.rice.s ont adopté le travail à distance pour une moyenne de 5 personnes par jour en présentiel, « c’est devenu la norme » nous dit Charline. Pour autant, elle est consciente que cette organisation du travail ne convient pas à tout le monde et ne peut pas être exercé par tous les métiers de l’entreprise : « nous avons choisi de conserver nos locaux sur deux étages pour que les collaborateurs puissent venir travailler dans un environnement professionnel et que les équipes se retrouvent si elles le souhaitent. Les collaborateurs ont donc le choix de travailler sur place ou à distance. Aussi, l’aspect dématérialisé du télétravail ne permet pas un accès pour tous. Nos métiers de terrain comme notre service d’assistance technique et d’installation logiciel se doivent d’être présents auprès de nos clients, et cela rend le télétravail à 100% compliqué ».
Le conseil de Charline Bordron pour réussir la mise en place du télétravail dans son entreprise :
« Le télétravail est quelque chose qui se doit d’être en amélioration continue. En effet, aujourd’hui les collaborateurs apprécient de travailler à distance, mais peut-être que demain leurs besoins et aspirations changeront. Il est important d’être à leur écoute pour faire en sorte que l’organisation de travail soit celle qui convienne le mieux à l’entreprise. Pour cela, il est possible de faire des enquêtes de satisfaction pour analyser la tendance à faire perdurer ou non le télétravail. Aussi, il est primordial d’inclure les membres du CSE dans les réflexions faites sur les changements d’organisation de travail ».
Merci à Charline Bordron, Responsable RH de Zéro Gâchis d’avoir répondu à nos questions ! Téléchargez son modèle de charte de télétravail ainsi que son modèle d’accord télétravail tout en faisant attention à bien les adapter à votre structure (mentions en jaune) !
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